Günter Grass (Danzig 1927-Lübeck 2015), prix Nobel de littérature 1999. Largement influencé par sa jeunesse au temps du nazisme, il a produit une œuvre à la fois baroque et ironique qui mélange réalisme et mythe pour mieux analyser l’univers historique, les thèmes de la mémoire et de la culpabilité.

Mais Günter Grass prend aussi quelques distances avec ce qu’on a appelé la « littérature des ruines » (la Trümmerliteratur), basée plutôt sur le pathos et le réalisme qui s’apitoient sur la situation de l'Allemagne dans l'immédiat après-guerre.

            
La démarche littéraire et engagée de Günter Grass fut loin d’être un long fleuve tranquille. Ses prises de position aussi dans la vie politique qu’à travers son œuvre littéraire n’ont pas souvent été du goût de tout le monde ; tant s’en faut. C’est lors d’un séjour à Paris en 1957 qu’il terminera l’écriture de son roman Le Tambour, considéré comme son chef-d’œuvre. 

En 1995, la publication de Toute une histoire (Ein weites Feld) est fort mal reçue, l’auteur y critique l’Allemagne de l’Ouest accusée de pervertir la partie Est du pays par une politique de libéralisme effrénée. Le Bild-Zeitung ira même jusqu’à titrer : « Grass n'aime pas son pays » critiquant aussi son « style creux ».
Pas étonnant que Le jury de Stockholm ait célébré en lui « un puits d’énergie et un roc d’indignation. » 

Ses prises de parole ne sont pas non plus très appréciées, comme en 2001 quand il propose de construire un musée germano-polonais qui abriterait les œuvres d'art volées par les nazis ou, pis encore quand en août 2006, il révèle son enrôlement en octobre 1944 dans les Waffen-SS. Les réactions sont à la hauteur de la révélation, aussi bien pour défendre le jeune homme qu'il était alors que pour fustiger le romancier qui avait si longtemps gardé ce secret.

  
                                                              En 1972 avec le chancelier Willy Brandt


En 2012, il publie dans le journal munichois le Süddeutsche Zeitung un poème en prose intitulé « Ce qui doit être dit » mettant en cause Israël censé menacer la paix mondiale tout en réclamant le contrôle du nucléaire iranien. Énorme scandale, on le traite d’antisémite, même s’il a déjà dans son poème répondu de ce genre d’accusation.

Günter Grass participe à des « marches pascales pour la paix », dénonce la politique allemande qui livre à Israël des sous-marins pouvant recevoir des missiles nucléaires. Bernard-Henri Lévy le taxe alors (entre autres) de « régression intellectuelle ».
En 1999, lors d’un débat télévisé avec Pierre Bourdieu, Günter Grass déplore une nouvelle fois les méfaits du néolibéralisme, affirmant que « seul l'État peut garantir la justice sociale et économique entre les citoyens. »

Son œuvre puise son inspiration dans sa jeunesse germano-polonaise à Dantzig où il est né ainsi que dans son parcours politique. Elle veut retranscrire la part irrationnelle de l’histoire, ceci à travers l’utilisation de métaphores qui lui permettent de donner une vision critique et plutôt sceptique de son époque. 

Pour cela, influencé d'abord par Rabelais, Grass écrit des récits pleins de fantaisie dans un style ironique marqué par le recours au grotesque et au burlesque. Par exemple, ses romans ont souvent recours à des personnages difformes comme le nain Oskar et son chien hideux dans Le Tambour (Le Tambour), Mahlke, le garçon à la pomme d'Adam proéminente dans Le Chat et la Souris ou Ava, la divinité maternelle à trois seins dans Le Turbot.

               
                                        La maison familiale de Dantzig

 Voir aussi
* Günter Grass Itinéraire -- Le Turbot -- Heinrich Böll -- 
* Les écrivains de langue allemande --
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