Référence : Pascal Quignard, Tous les matins du monde, éditions Gallimard, 1991

« Tous les matins du monde sont sans retour. »

L'écriture de ce qu’on a appelé un roman-scénario de Pascal Quignard s’inspire largement de son précédent roman La Leçon de musique, et de la biographie de la vie de ses deux personnages principaux, M. de Sainte-Colombe et Marais Marin, deux violistes de XVIIe siècle présents dans le livre de Titon du Tillet intitulé Vies des Musiciens et autres Joueurs d’Instruments du règne de Louis le Grand

Il est basé aussi bien sur des faits historiques, des obsessions de Quignard, des idées auxquelles il tient et qu’il reprend dans de roman. Dans cette œuvre, la peinture et la musique jouent un rôle capital. L’intrigue part d’une nature morte, Le Dessert de gaufrettes de Lubin Baugin.

          
Le Dessert de gaufrettes, nature morte de Lubin Baugin
Nature morte à l'échiquier


Au printemps 1650, Madame de Sainte Colombe meurt, laissant son mari seul avec leurs deux petites filles, Madeleine et Toinette. Monsieur de Sainte Colombe donne alors des cours de viole [1]. Ce musicien, qui a une très haute opinion de la musique, s'y consacre de plus en plus pour oublier la mort d'une épouse qu'il vénérait. Il s'isile de plus en plus dans une cabane au fond de leur jardin, perfectionne sa façon de jouer et son instrument jusqu'à dit-on, « imiter toutes les inflexions de la voix humaine ».

« Nous ne sommes pas des êtres parlants, nous le devenons. Le langage est un acquis précaire, qui n'est ni à l'origine ni même à la fin car souvent la parole erre et se perd avant même que la vie cesse. »

Monsieur de Sainte Colombe vit très retiré du monde, n'ayant guère que deux amis, Claude Lancelot et Lubin Baugin et c’est Guignotte la cuisinière, qui s’occupe des deux fillettes. Lorsque Madeleine en atteint l’âge, son père lui apprend à manier la viole. Conscient de la jalousie de Toinette, il lui offre une petite viole. Ils organisent alors des concerts à 3 violes qui connaissent un beau succès. Leur audience arrive aux oreilles du Roi qui souhaite les entendre. Il lui envoie des émissaires, en particulier le joueur de viole de sa Chambre, Gabriel Caignet, pour inviter le musicien à la cour. 

   
Images du film avec Anne Brochet et Jean-Pierre Marielle [2]


Incapable de s'exprimer autrement qu'au travers de sa musique, il vit reclus dans sa maison à la campagne jusqu’au jour où un jeune élève nommé Marin Marais se présente.  
A travers le thème de la musique, Pascal Guignard brosse ses personnages et rapporte les conversations entre le violiste et sa défunte femme, ceci avec de courts chapitres et des sentiments à la fois d'une grande retenue et empreints d'émotions fortes. Il est sans pitié pour ce pauvre Marin Marais à qui il dit que sa technique est bonne mais que ce n’est pas de la musique.


   Portrait de Marin Marais

Notes et références
[1] Instrument de musique à cordes qu’on frotte avec un archet
[2] La bande originale du film, composée d'airs baroques, en particulier des pièces de viole de Marin Marais et Monsieur de Sainte-Colombe, a été dirigée par le grand musicien catalan Jordi Savall.


Voir aussi  Présentation du film  et Pascal Quignard "hors d’atteinte"
Mes fiches : Quignard à Sens -- Quignard, Une jeunesse au Havre --
                          Quignard Tous les matins du monde --


< Christian Broussas - Quignard 2 - Feyzin - 21/01/2018 © • cjb • © >